Installez-vous bien dans votre fauteuil, les 10 premières minutes de SPECTRE vous donnent à voyager. La scène d’introduction est un peu en deçà de ce à quoi nous avaient habitués les précédentes moutures des Bond en terme d’action, mais le ton est relevé par le dépaysement. La scène prend place au cœur du Dia de Muerto au Mexique, et le décorum est grandiose. Un hommage sans doute non dissimulé au Baron Samedi, illustre Grand Méchant de la belle époque qui avait laissé sa trace.
Puis le générique que tout le monde attend (quand on est né avant 1990) vous enfonce un peu plus dans le siège. On y retrouve les ingrédients irremplacables de ces clips ; des femmes à moitié nues, des armes, des silhouettes, du psychédélique, et une virtuosité poétique qui tourbillonne dans un malstrom érotico-musclé qui n’a rien à envier à ses prédécesseurs. C’est là que le premier gap entre l’image et le son apparait. Si la musique est bonne, passer derrière Adèle représentait un challenge dur à surmonter. Si Skyfall avait réussi à décrocher les âmes restées suspendues à la voix suave du générique de Goldfinger, ici la magie n’opère pas.
Mais les bonnes surprises arrivent.
D’abord, un scénario ambitieux : on s’apprête ENFIN à rencontrer la tête du Spectre, cette organisation criminelle tentaculaire que le commandeur Bond poursuit depuis Docteur No. Malheureusement, c’est aussi le principal écueil du film qui déconstruit complètement la chronologie qu’on nous avait servi pendant des années. Au fil de l’action, on découvre un boss final que tout relie à l’image mystérieuse et partielle que le spectateur assidu avait de lui : un œil en moins, un chat blanc touffu qui doit manger du Sheba, un anneau floqué d’une pieuvre… mais comment les scénaristes justifient-ils le fait que notre James Bond de 2015 façonne ainsi LE spectre qu’on connait depuis 25 ans ? Nullement.
Passons.
Une vraie bonne surprise est le retour du sidekick indestructible et un peu bête que tout bon méchant envoyait faire la basse besogne. On se souvient notamment de Requin, ou du lanceur de chapeau asiatique. Là on a le droit à une sorte d’ultimate fighter hyper testostéronné et insensible tout droit sorti du casting des élections présidentielles chez les copains de Poutine. Point négatif, il met un point final à tout espoir de punchline bien sentie dès la première moitié du film.
Les dialogues sont catastrophiques. Allons-y gaiement, c’est de la merde. Je vais nuancer en précisant que j’ai vu une version FR (bouuuhh). Le budget dialogues est sans doute parti dans la pub « placement de produit » jouée par une des star du casting (Miss Moneypenny) qu’on nous balance juste avant le film. C’est le fameux nouveau levier psychologique qu’on découverts les tubards et qui consiste à te montrer AVANT une projection un produit que tu vas replacer tout seul avec ta petite conscience dans le contexte PENDANT le film dès que tu le verra apparaitre, associant ainsi le produit (ici un téléphone) à des symboles d’actions, de courage, d’aventures, etc. (bouuuuuhh).
Les ingrédients d’un bon James Bond s’enchainent : les grandes villes du monde, les James Bond girls multiples et passagères, les actes sacrificiels, les gadgets, l’humour, le patriotisme, l’élégance, la vodka-martini au shaker, rien ne manque.
Au commande, Sam Mendes nous livre un film bien rythmé, sans pause trop longue, et quelques plans assez bien vus. Le plan-séquence d’introduction semble un peu trop markété (oh quelle belle prouesse technique) et certains plans à la photographie particulièrement soignée peuvent surprendre dans le bon sens. Malgré cela, on sent les codes très académiques dans le découpage, dans la structure des images, et une influence kubrickienne qui n’a pas l’air à sa place. Plusieurs scènes laissent entrevoir l’avenir de la licence, avec des appuis très marqués vers l’univers du jeu-video, notamment lors des courses poursuites, mais aussi quand Bond se fraie un passage hors des bases ennemies avec une mitraillette tenue à une main et ne lâchant qu’une balle par terroriste tandis qu’il supporte le poids de la princesse à secourir de l’autre.
La bande originale est parfaitement insipide, ce qui colle un peu à la remarque d’ensemble qui tend à conclure que la bande son a été négligée. C’est dommage.
Finalement, c’est un bon film d’action, musclé, où l’amour vache remplace la séduction flegmatique de l’agent 007, et qui nous conduit assez simplement vers son dénouement. Les 2h28 du film en paraissent moins, mais le film a besoin de se dérouler.
Note : 7/10